À Damaro, le chef de village (kabla kounti en malinké) prend des décisions entouré d’un conseil (kabla kounti) qui représente les grandes familles du village. Ses décisions sont relayées auprès de la population par le porte-parole (béléna). Le gardien des lois (tomboroma) veille quant à lui à l’application de ces décisions. Voici leurs fonctions :
- Kabla Kounty : c’est le chef de village. Avec ses conseillers, il forme le doyennat (kabla). C’est l’autorité la plus importante du village : même le maire, qui a un pouvoir politique issu des élections, prend conseil auprès du doyennat avant de prendre ses décisions si elles ont une portée publique. Le kabla est composé de conseillers choisis dans chaque grande famille : les « oncles » (borini, ceux qui ne sont pas Camara et qui habitent Damaro), les « papas » (falou, les plus anciens qui ont le rang social le plus élevé dans le village), les « fils » (denlou, les enfants des « papas » : ceux qui ont le même rang que les enfants du doyen et de leurs frères), les nyouma oussoudou Camara (les descendants des fondateurs de Damaro, Nyouma Oussou et son frère Sosso Camara ; ils ne peuvent pas devenir les foyens du village), les kabèfrédou (ils ne peuvent pas non plus devenir kabla kounti à Damaro : ce sont les descendants des frères de Nyouma Oussou et de Sosso Camara), les siakadou (une classe sociale descendants de parents qui n’ont jamais été esclaves : ils sont descendants de Ténenké, une femme peule du Ouassoulou donnée par Samori Touré à Fata Kéoulén et qui a été traitée comme libre, donnée en mariage librement), les fatadou (les plus nombreux à Damaro : ce sont les descendants de Fata Kéoulén, qui était proche de Samori Touré, on utilise pour les nommer un terme dérivé du nom de sa mère Fata). Ces sept familles envoient des représentants auprès du kabla kounti. Ensemble, ils forment le doyennat et prennent des décisions qui sont sans appel. Ils tiennent leur réunion dans le vestibule. Les verdicts et les décisions sont rendues publiques sous l’arbre à palabre après la prière de vendredi. Le béléna (porte-parole) de ce bureau sert de relai des informations des sages vers la communauté et en sens inverse (pour des informations ou des plaintes de la communauté auprès du conseil). Pour contrôler et faire appliquer les lois ou décisions prises, ils passent par les Tomboroma.
2. Le tomboroma (qui signifie le « gardien des lois ») : c’est une sélection d’une dizaine d’hommes reconnus pour leur probité morale mais aussi par leur force physique parmi les sept familles de Damaro. C’est à ce groupe que toutes les activités d’ordre public sont confiées (creuser les tombes, les travaux publics, champêtres et sociaux). Ils sont aussi chargés de réclamer toutes les amendes. Les réfractaires sont publiquement sanctionnés au vu et au su de toute la communauté. Certains sont attachés au BOIS des mauvais légitimes hommes (wörô koron siri kroman), d’autres doivent fournir en réparations des bœufs, des moutons, des chèvres, des coqs….Ces Tomborona sont souvent aidés dans la mise en œuvre de leur tâche par les Sèrè (voir l’article sur les Séré)
3. Le Mousso dèkrou signifie le » bureau des femmes » : dans la société traditionnelle de Damaro, les femmes n’avaient pas de parole, surtout quand les hommes prenaient des décisions. Qu’elles soient consentantes ou pas, leur devoir était s’y conformer. Aujourd’hui, leur avis compte davantage qu’auparavant. Le bureau des femmes est respecté et craint non seulement par les hommes, mais aussi par les femmes elles-mêmes. La présidente est la personne la plus influente de Damaro, même plus que le Sous-Préfet et le Maire. Ce bureau est composé d’une présidente entourée par des conseillères (2 à Damaro I et 2 à Damaro II) et deux femmes chargées de rappeler à l’ordre les femmes ayant tendance à fauter appeler policières. Les femmes prennent des décisions qui ne sont contrôlées et sanctionnées que pour elles-mêmes. Par exemple, les injures grossières sont interdites entre les co-épouses : toute contrevenante se verra boudée par les autres femmes du village et sa chambre sera mouillée par l’eau sale apportée par chacune des femmes, elle ne pourra plus aller au marché. Si la femme ne s’engage pas publiquement à demander pardon dans les 24h qui suivent ces premières actions, elle sera déshabillée et lavée publiquement.
Par Ansoumane Camara et Fatoumata Doumbouya
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